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Quand les robots auront des émotions

François-Nicolas Pelletier

On dirait un jeu vidéo de la fin des années 1970. Sur l'écran, des octogones de couleur munis de pinces se déplacent lentement, saisissent de petits carrés bleus et vont les déposer au bas de l'espace de jeu. Mais ce ballet rudimentaire n'est pas l'ancêtre de Pac-Man : c'est une simulation aux frontières de l'intelligence artificielle, avec des agents virtuels qui ont des motivations, des intentions et des comportements qui génèrent des états émotionnels…

Clément Raïevsky est étudiant au doctorat en génie électrique et informatique.
Clément Raïevsky est étudiant au doctorat en génie électrique et informatique.

La simulation est l'œuvre de Clément Raïevsky, étudiant au doctorat en génie électrique et informatique à l'Université de Sherbrooke. À première vue, on se demande ce que les émotions viennent faire là-dedans. En réalisant leur tâche, les agents doivent respecter une hiérarchie sociale prédéterminée : si un agent supérieur passe devant un agent inférieur, ce dernier lui cède le passage. Pendant la simulation, il arrive que des agents soient paralysés : par exemple, un agent inférieur est immobilisé dans un coin, mais ne peut reculer parce qu'un agent supérieur lui barre la route. Pour dénouer ce genre d'impasses, Clément Raïevsky a créé deux émotions virtuelles : la colère et la peur. Après quelques secondes, notre agent inférieur se met «en colère» et envoie un message à l'agent supérieur : «Tu n'es plus mon supérieur, laisse-moi passer!» L'agent supérieur, s'il est aussi impuissant à agir, se met à «avoir peur» et cède à la requête de l'agent inférieur.

François Michaud
François Michaud

C'est François Michaud, le directeur de thèse de Clément Raïevsky, qui lui a suggéré de développer cette simulation. Pour le responsable du Laboratoire de robotique mobile et de systèmes intelligents (LABORIUS), créer des agents «frustrés» et imprévisibles est loin d'être une simple fantaisie.

C'est au contraire une stratégie novatrice qui pourrait être intégrée à des robots pour les rendre plus performants. «Un robot doit avoir de bons mécanismes de perception pour ne pas percuter les obstacles, explique François Michaud. Mais il a aussi besoin de mécanismes décisionnels pour gérer plusieurs buts qui ne sont pas compatibles, et sans avoir toute l'information nécessaire pour agir. L'objectif pour nous est de reproduire la fonction des émotions, qui aident les humains à prendre des décisions», ajoute-t-il.